"Ma volonté absolue est de proposer des améliorations pour l’avenir du secteur"
En 2000, journaliste et auteur d’investigation, Markus Breitscheidel a décidé de porter son attention sur le traitement réservé aux personnes âgées dans les maisons de retraite en Allemagne de même que sur les conditions de travail de leur personnels. Contrairement aux journalistes évènementiels, Marcus Breitscheidel, effectue ses recherches sur un thème unique, pendant une période de trois ans. Il le fait sur mes propres deniers, afin de garantir l’indépendance des résultats.
Son travail d'investigation
Une embauche sans formation
« Le lundi, indique t’il, je me présentai dans un bureau de placement de Munich pour rechercher un premier poste : deux heures plus tard j’étais convoqué par téléphone à un entretien d’embauche. Le lendemain, je prenais mes fonctions en tant que responsable de 12 cas pathologiques lourds sans aucune formation adéquate, venant du monde des affaires et du journalisme.
Des tâches minutées, facteur d’épuisement pour le personnel et de maltraitance, un modèle développé dans l’industrie, inadapté aux soins et aux échanges entre êtres humains
«
Markus rappelle que ce système avait déjà, du temps d’Henry Ford, soulevé des problèmes dans la relation entre l’homme et la machine. Les travailleurs de l’industrie tombaient en « burnout » en masse et devenaient agressifs envers les machines.
On a appliqué point par point ce système au milieu sanitaire, déplore-t-il, et il n’est pas étonnant que dans la relation d’homme à homme cela conduise également à un grand nombre de « burnout » ou à la violence.
« Mon expérience m’a montré que l’on ne peut pas programmer le temps passé aux soins. Une femme dont je devais m’occuper réussissait, avec mon aide, lorsqu’elle était en forme , à aller aux toilettes en une minute ou une minute et demie, mais le lendemain, elle allait moins bien : elle était moins mobile et j’ai eu besoin de trois minutes. Le temps supplémentaire que j’ai passé avec elle manqua pour la personne suivante »
A force de courir après le temps, le personnel soignant devient fou
« On ne doit donc pas s’étonner que le personnel soignant, robotisé, ne tienne pas dans un poste plus de cinq ans et que, dans toute l’Europe on ait du mal à recruter des gens pour travailler dans ces conditions, que ce soit dans les hôpitaux ou les maisons de retraite. Dans ces conditions de travail, aucun être humain qui aimerait s’occuper des autres ne peut y arriver sans craquer un jour.
Je suis convaincu que chaque pays a un certain potentiel de gens capables de travailler dans le milieu sanitaire, mais on a réussi, à cause de ce système, à dégoûter les gens. On a aussi réussi à fabriquer des robots de soins avec des gens qui doivent absolument se soumettre au système et obéir aux directives des patrons »
Un secteur considéré comme générateur de profit par les investisseurs
De son expérience de deux années en cinq endroits différents en Allemagne, Markus Breitscheidel retient que le secteur des soins est un enjeu économique important. Et, poursuit-il, en raison des besoins croissant, ce domaine est l’un de ceux où se feront dans l’avenir les plus gros investissements. Le bénéfice attendu étant de l’ordre de 10 à 15%, Markus Breitscheidel a tenté d'identifier les éléments de rentabilité dans un pays tel que l’Allemagne, où les besoins en soins peuvent être classés en 5 tranches et où, plus le besoin en soins est grand, plus on a besoin de temps, mais aussi et surtout d’argent .
.
Des effets pervers liés à l’état de santé des patients
Cela veut dire, selon Markus Breitscheidel, que d’un point de vue strictement économique, plus un malade est gravement atteint, plus il peut générer un gain d’argent pour l’établissement qui l’héberge. Il n’est donc pas étonnant à ses yeux que l’on ne privilégie pas l’amélioration de la santé des patients.
"Voyant cela, a-t-il rapporté, j’ai pris l’initiative d’essayer de donner, après mon travail, deux heures sur mon temps libre à une ou deux personnes de mon service. J’ai ainsi procédé pendant deux ou trois jours. J’ai d’abord été convoqué à la Direction parce qu’on m’avait repéré, et par la suite on m’a menacé, si je continuais, de me licencier car ce n’est pas « économique » d’améliorer la santé d’une personne : elle risque de descendre dans la tranche de soins inférieure (celle où on a moins besoin de soins), où l’établissement gagnera moins d’argent."
Quelles améliorations proposer ?
- Un besoin prioritaire : améliorer les conditions de travail des personnels
Ainsi, lorsqu’on parle de ce que l’on devrait faire demain pour que les choses aillent mieux, je pense que le premier pas serait naturellement de rendre plus humaines les conditions de travail du personnel soignant en les rendant moins « industrielles ». - Eviter la spéculation
Deuxièmement, il nous faut réfléchir au moyen de financer dans les 20 ans à venir ce domaine dans un système démocratique, car je suis convaincu que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser des sociétés commerciales continuer de gagner de l’argent sur le dos des personnes. Cela ne fonctionne pas. Nous devons nous assurer que chaque euro investi dans le soin aille au personnel soignant ou à la construction de l’avenir du domaine. - Un crédit bénévolat
De l’avis général, souligne Markus Breitscheidel, on ne répondra pas à l’évolution démographique uniquement par de l’argent. Il faut commencer à construire un système qui soit en partie indépendant de l’argent : quand on demande aujourd’hui à des jeunes ou à des retraités d’investir bénévolement un peu de leur temps pour aider aux soins, faire la lecture aux personnes ou les aider à faire leurs courses, ce temps pourrait être compté à leur crédit pour plus tard, quand ils auront eux-mêmes besoin d’aide. C’est une piste de réflexion pour aller vers un système qui ne pourra plus reposer uniquement sur la finance.
car je vois bien qu’en Allemagne ceux qui siègent au conseil d’administration des grosses sociétés par actions, y compris dans les établissements de soins, sont souvent des personnes qui ont eu ou ont encore des fonctions politiques. Il y a encore un gros travail de lobbying à faire pour changer les choses et préparer un meilleur avenir. A Bruxelles, les syndicats professionnels de soins, consacrent énormément d’argent pour faire un énorme travail de lobbying. Ils font le siège de chaque politicien influent pour barrer la route à ceux qui voudraient changer quelque chose à l’avenir à leur activité.
Je voudrais dire que je me sens concerné, personnellement, par mes futurs besoins de soins qui seront dispensés par ces hommes d’affaires. Je voudrais plus tard, bien entendu, vivre libre jusqu’à la fin et, pour cela, je commence mon combat et j’espère avoir encore assez de forces les vingt prochaines années pour voir mes propositions s’appliquer Paragraph."
A propos de l'ouvrage : plus de 85 000 exemplaires vendus en deux semaines
- Après un an et demi de refus des diverses maisons d’édition au motif que le sujet n’intéresserait personne, Markus Breitscheidel dit avoir enfin trouvé un éditeur courageux et, en 15 jours, 85 000 exemplaires avaient été vendus et c’est devenu le n° 1 des best-sellers en Allemagne.
- Des pressions politiques, plus d’une centaine d’assignations en justice gagnées
"Je voulais parler de ce thème en public et les politiques n’étaient pas du tout favorables. J’ai remarqué cependant que je suscitais l’intérêt lors d’émissions de télévision. Mais la pression sur moi à propos de ces émissions devenait de plus en plus grande et a fini par l’intervention, à chacune d’elles, d’un représentant de l’Etat qui s’était au préalable rapproché de moi pour mettre au point chaque mot à dire ou à ne pas dire. Et si ma parole reprenait à ses yeux trop de liberté, il m’assignait en justice. J’ai été assigné plus d’une centaine de fois, mais j’ai eu gain de cause à chaque fois."
Click here to edit.