Les migrations : peut-on parler de réfugiés climatiques ?
Combien seront-ils ? Que faut-il attendre de la COP21 ?
Dina IONESCO, directrice de la Division migrations, environnement et changement climatique nouvellement créé au sein de l'Organisation internationale des migrations (OIM) a présenté les engagements et les attentes de l'Organisation envers le Sommet de Paris
L'OIM rassemble actuellement 158 États-membres autour de programmes à la fois politiques et de terrain. L'Organisation est marquée, selon Madame IONESCO, par une "culture de l'action"
Qui sont les migrants environnementaux ?
L'équation "migrations, environnement et changement climatique" est complexe car toute migration est multicausale. Il est dès lors difficile d'isoler le facteur environnemental des autres causes de migrations (économiques, sociales, démographiques ou personnelles). Il apparait ainsi que les migrants de Méditerranée ont subi des stress environnementaux et climatiques éprouvants. Cette dimension désormais importante ne peut plus être ignorée.
Par ailleurs, la multi causalité qui accompagne la migration environnementale a des répercutions juridiques et sociales car si chacun comprend les migrations pour cause de catastrophe soudaine, il est beaucoup plus difficile d'identifier celles dues à une dégradation lente de l'environnement comme la salinisation des terres ou l'acidification des océans
Peut-on parler de migrants environnementaux ?
Les données qui légitiment l'action politique sont difficiles à obtenir.
Entre 2008 et 2014, 196 millions de personnes ont été déplacées en raison de catastrophes soudaines. En 2013, 22 millions de personnes, hors effet de sécheresse, ont été recensées, soit un nombre supérieur à celui de personnes fuyant les conflits. On sait également, dit-elle, que 93 % de ces déplacements étaient dus à des inondations en 2013, particulièrement en Asie.
Selon l'IDMC (International displacement monitoring center), observatoire des migrations avec lequel travaille l'OIM, le GIEC (Groupe intergouvernemental d'Experts sur l'évolution du climat) et le CCNUCLD (Convention de Lutte contre la désertification des Nations Unies), en 2025,
- 2,4 milliards de personnes seront en zone de sécheresse répétée
- 50 millions de personnes seront dans des zones soumises à la désertification
- 75 à 120 millions de personnes seront soumises au stress hydrique
- 50 des plus grandes villes du monde situées en zone côtières subiront la montée des mers et l'érosion côtière
Les migrants climatiques ne peuvent pas accéder au statut de "réfugiés"...
Bien que l'on parle de migrations dans les débats sur le climat, (ce qui est un changement d'ère et de paradigme), les migrations climatiques relèvent de deux types de situations :
D'une part, les migrations intérieures, nationales ou régionales, les plus fréquentes, qui relèvent de la responsabilité des Etats. Ce sont dans ce cas les Principes directeurs de Kampala qui s'appliquent, tant en matière de prévention que d'évacuation ou de retour.
D'autre part les migrations au delà des frontières qui ne sont pas couvertes par la Convention de 1951 de Genève qui exige des preuves de persécution. Ce qui conduit l'OIM et le HCR à refuser d'utiliser le terme de "réfugié climatique" qui relève du langage métaphorique (comme les expressions "naufragés climatiques" ou "exilés du changement climatique"). Ces organismes souhaitent ne pas "faire croire aux gens qu'ils peuvent obtenir un statut de réfugiés sur la base de la Convention de Genève, indique Madame IONESCO
...d'où l'importance d'un recours indispensable au cadre des droits de l'Homme
La structure des droits de l'Homme offre un ensemble de droits tel que celui du principe de non refoulement qui interdit de renvoyer un migrant dans son pays dès lors que la sécurité n'y est pas assurée.
L'OIM travaille depuis plus de vingt ans sur ce thème. Ses axes de travail concernent la conceptualisation, l'information, le plaidoyer et la recherche.
Un glossaire, voulu par les Etats-membres de l'OIM, vise à trouver des passerelles linguistiques entre la thématique des migrations et celle de l'environnement
L'OIM traite l'ensemble du cycle migratoire, de la prévention à la réinstallation des populations (ex. préparation des enfants au risques, planification des zones côtières menacées mais aussi assistance humanitaire, assistance aux populations nomades, retour ou travail avec les diaspora pour remettre la terre d'origine en état (ex Niger et Sénégal)
Autre axe, la facilitation de migrations circulaires et légales (ex entre Colombie et Espagne). Par ailleurs l'OIM travaille avec la Convention cadre des Nations unies pour combattre la désertification,
l'Organisation suit les questions migratoires dans le débat climatique depuis la COP 14 et intègre les discussions climatiques dans les programmes sur les migrations. Dina Ionesco rappelle que les migrations sont incluses dans les déclarations de Cancun et Doha dans le cadre des politiques d'adaptation mais de manière négative.
COP 21 : les propositions de l'OIM
La migration est vue de manière positive, à l'OIM, comme une solution offrant une opportunité stratégique, destinée à réduire la pression sur l'environnement et à stimuler l’investissement dans les pays d'origine.
L'objectif, pour Paris, est d’obtenir cette vision globale de la migration qui contribue à l'atténuation et à l'adaptation au changement climatique. Il s'agit d'une migration anticipée, prise en compte dans les mécanismes financiers (transferts de fond des migrants et investissement des diaspora) . Alors qu'elle est , pour l'instant, incluse dans le texte de manière négative, sous l'angle des pertes et dommages
Durant la tenue de la COP, l'OIM organisera des événements de haut niveau et fera une exposition à la Cité de l'Histoire de l'Immigration (porte Dorée à Paris
partagera son Atlas de la migration environnementale qui fait le point des connaissances.
Il participera au side event proposé par la commission le 9 décembre de 9:30 à 11 heures